Dans le milieu du travail, la prévention des conflits est primordiale. La médiation peut y contribuer utilement.
En France, la médiation est d’abord un mode alternatif de règlement ou de résolution des différends ou des conflits (MARD ou MARC). Dans d’autres pays, sa dimension préventive est davantage mise en avant. Au Québec, notamment, les parties « doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux » (1). Ces modes constituent des mécanismes centraux de la justice dite participative, dans un esprit de coopération entre les parties.
Est-ce à-dire que la valeur « positive » du conflit (mise au jour de non-dits et de problèmes cachés, recherche collective de solutions) est alors déconsidérée ? En fait, le conflit est plus destructeur que constructif lorsqu’il opère sans que les parties puissent s’exprimer, ou quand il produit de l’anxiété, du ressentiment, ou même de la violence verbale ou physique. En milieu professionnel, il peut miner les relations jusqu’à bloquer la moindre initiative et la vie normale d’une équipe. Anticiper ou désamorcer les conflits a donc du sens, à la fois pour les individus et pour les organisations.
Les risques psychosociaux
En France, le Code du travail rappelle d’ailleurs que, parmi les mesures que l’employeur doit prendre « pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L4121-1), figurent des actions de prévention visant notamment à éviter les risques professionnels et combattre les risques à la source (article L4121-2). Une étude récente du ministère du travail (2) note cependant que la plupart des entreprises n’assurent pas la prévention des risques psychosociaux (RPS), définis comme « les risques pour la santé, mentale mais aussi physique, créés au moins en partie par le travail à travers des mécanismes sociaux et psychiques » (3). Les entreprises inscrivent plus souvent la prévention des risques physiques (52 %) que psychosociaux (33 %) dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) prévu obligatoirement par le Code du travail (art. L4121-3-1) (2).
Agir en amont sur les facteurs de risque
La médiation souligne la portée libératrice de la communication, sur un « agir communicationnel » qui ne repose pas uniquement sur la rationalité mais aussi sur l’expression des émotions et des besoins. Elle donne la parole à égalité et sans jugement aux personnes travaillant ensemble. Le processus s’inscrit ainsi naturellement dans la prévention des RPS que peuvent générer les conflits latents ou ouverts en milieu professionnel.
Plus précisément, la médiation peut contribuer à agir sur les facteurs de risque, d’abord en permettant de les identifier, ensuite en conduisant les acteurs d’une organisation à trouver ensemble des moyens de les réduire. La médiation peut aussi accompagner les personnes pour qu’elles déterminent quels sont leurs meilleurs modes d’adaptation dans un contexte générateur de risques psychosociaux, par exemple lorsque l’organisation doit redéfinir sa stratégie ou sa structuration. Au sens large, la médiation peut être aussi une « médiation de projet » qui accompagne les porteurs d’une initiative, dès sa conception, pour anticiper les risques de conflit qui seraient liés à la nature, à l’envergure, aux conséquences internes ou au management du projet (4).
La médiation, un outil pour améliorer la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT)
Que ce soit en entreprise ou au sein d’une association, une mauvaise ambiance d’équipe est un signe qui doit alerter car elle peut, en perdurant, dégrader grandement les conditions de travail et générer de la souffrance. Les situations de tension non traitées provoquent arrêts de travail et dysfonctionnements internes mais aussi externes.
La prévention des tensions est donc une dimension cruciale du bien-être et des conditions de travail. En mettant rapidement en place des espaces de dialogue confidentiels et d’écoute active en présence d’un tiers extérieur et impartial, le processus de médiation permet de mettre en évidence les causes d’une mauvaise ambiance et les moyens de retrouver une dynamique collective. Il prévient ainsi les conséquences désastreuses d’un conflit non traité sur l’organisation et ses équipes. La médiation est en cela un outil précieux de prévention et d’amélioration de la QVCT.
Groupe Médiation du travail, Maison de la Médiation
Odile Boucher, Dominique Chapelon, Marion de Nervo, Florence Gay,
Jean-Jacques Perrier, Emile Trampont, Armelle Vallet-Jeanneret
(1) Charlaine Bouchard, Développer la médiation, pourquoi et comment. Brève réflexion sur l’expérience québécoise, Archives de philosophie du droit, 2019/1, 61, 63-73.
(2) Selma Amira, Comment les employeurs préviennent-ils les risques professionnels ?, Dares Analyses N° 19, 21 mars 2024.
(3) Ministère du travail, La prévention des risques psychosociaux (RPS), 15 septembre 2010, maj 23 juillet 2024.
(4) Dominique Morel, La médiation préventive et de projet, Yvelinédition, coll. médias et Médiations, 2017.