En incitant à la médiation, la loi dépasse largement le cadre de l’efficacité judiciaire.
Le décret du 11 mars 2015 relatif à la résolution amiable des différends impose aux parties d’indiquer, dans l’acte de saisine de la juridiction, les démarches de résolution amiable qu’elles ont précédemment effectuées. La médiation est l’un des moyens de résolution amiable dont les parties peuvent se prévaloir ; il s’agit donc d’une incitation explicite de la loi à responsabiliser les personnes dans la gestion de leur conflit. Ce décret s’inscrit dans l’esprit du rapport parlementaire de 2015 sur « la justice du XXIe siècle » qui, sous la rubrique « une justice plus efficace » préconise de favoriser les modes alternatifs de règlements des litiges.
A la Maison de la Médiation, nous nous sommes interrogés sur le sens de ce mot « efficacité ». En matière civile et spécialement familiale, l’efficacité renvoie à la capacité des magistrats à rendre des décisions satisfaisantes pour les parties et susceptibles d’être appliquées dans la durée. Quand il s’agit de relations familiales, quelles personnes, sinon les parties elles-mêmes, sont le mieux placées pour évaluer, dans la singularité de leur configuration familiale, ce qui est souhaitable et ce qui est possible pour apaiser la situation ?
Des solutions ajustées
La médiation familiale, par le dialogue qu’elle suscite entre les personnes, par la communication constructive qu’elle favorise, est un espace approprié pour trouver des solutions ajustées qui soient satisfaisantes pour chacun et puissent être pérennes.
Ainsi, nous travaillons fréquemment avec les parents séparés sur les modalités de la résidence alternée : pour que chaque parent puisse prendre en compte à la fois les complexités de sa propre vie et ce qui convient le mieux à l’enfant, il faut beaucoup d’échanges entre eux. En médiation, ils prennent du recul par rapport à ce qui les envahit, ils s’écoutent, ils se distancient de leurs représentations, ils se donnent le temps d’évoluer et de parvenir à trouver un terrain d’entente. Quand les personnes font ce chemin avec courage et détermination, elles trouvent des solutions efficaces.
Mais limiter la médiation à cette « efficacité » nous semble quelque peu réducteur : une des particularités du domaine familial est que les situations de vie des parents et des enfants sont en permanente évolution ; l’adaptation est sans cesse nécessaire et une solution, prise à l’instant T, se révèle vite obsolète. Les personnes ont besoin de prendre conscience de leur responsabilité personnelle dans l’avenir de leur situation familiale et de se rassurer dans leur capacité à dialoguer pour s’entendre.
Si l’on reprend la métaphore chinoise bien connue, ce n’est pas tant de « poisson » (d’accords) dont les personnes ont besoin, mais de personnes leur apprenant à se servir d’une « canne à pêche ». Et cela, l’expérience de médiation le leur permet… Les outils, les « savoir-être » expérimentés en médiation ont un effet bénéfique sur leur sens de la responsabilité, en famille et en société, et sur leur aptitude à se comporter dans les conflits. Là est le gage d’accords durables et d’une diminution des contentieux.
A travers la responsabilité et la capacité à s’entendre avec « l’autre », différent voire ennemi, la médiation porte chaque personne vers plus de liberté et toute la société vers davantage d’humanité.
Marie-Odile Redouin, médiatrice familiale