Je verrai toujours vos visages, la médiation restaurative au cœur de l’humain

Je verrai toujours vos visages, film de Jeanne Herry – mars 2023

Ce nouveau film de Jeanne Herry (après Pupille), retrace de manière sensible et bien documentée les différentes étapes du parcours délicat et exigeant de la justice restaurative.

Mis en place en 2014, ce dispositif propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des espaces sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles. Pensé comme une pratique complémentaire au traitement pénal de l’infraction, il vise à envisager ensemble les conséquences de l’acte, et le cas échéant, de trouver des solutions pour le dépasser et prévenir au mieux la récidive.

Le titre du film met en lumière un des enjeux majeurs de cette pratique : l’accueil de l’autre à travers les regards, les mots et la reconnaissance progressive de ce qui est vécu au-delà des clichés et nombreuses idées reçues.

Les personnes, qui ne sont pas forcément concernées par la même affaire, sont préparées pendant plusieurs mois en vue d’une rencontre plénière, animée par des médiateurs formés. Ces derniers s’assurent en permanence du caractère volontaire de la démarche de chacun, et accompagnent, par une écoute inconditionnelle et neutre, l’émergence de la parole, bien souvent empêchée ou altérée par la puissance des émotions et des traumatismes subis. Ils garantissent à chacun la possibilité d’exprimer pleinement ce qu’il a à dire, notamment par l’utilisation d’un bâton de parole faisant circuler les échanges sans interruptions intempestives. Toute violence verbale est prohibée.

Une question intime de reconnaissance

Jeanne Herry capte d’emblée la part de vulnérabilité de chacun, dans ses incompréhensions, ses peurs et ses projections. C’est autour de la reconnaissance que se dévoile la part la plus intime du parcours de ces personnes.

Un exemple frappant est donné dans le décalage mis en lumière entre les attentes et intentions. Du côté des victimes, on entend un besoin souvent désespéré d’explication (« pourquoi m’avoir fait ça ? Dans quel but ? ») et de réparation (« Depuis je ne vis plus », « je vis recluse »). Du côté des auteurs, le besoin de tourner la page après avoir payé sa dette (« Oui je suis coupable », « c’est du passé »). Les auteurs ne réalisent alors que très progressivement toute l’épaisseur et la complexité du préjudice subi.

Face aux récits bouleversants de victimes ayant sombré, au fil des mois, voire des années, dans la dépression, des angoisses incontrôlées et une inévitable dévalorisation de soi (« je n’ai pas su protéger mon enfant », « je ne suis bon à rien »), des auteurs évoquent l’immédiateté de l’acte, l’objectif à atteindre en quelques minutes avec un impératif d’efficacité (« je ne vois que le fric dans la caisse et pas les personnes », « je dois menacer pour obtenir les codes tout de suite »). L’intention du « faire » occulte les personnes, l’action éclipse la pensée.

Pour certains auteurs, confrontés à des réalités sociales très dures, l’absence d’un projet de vie, le mirage de l’argent facile, les phénomènes d’emprises de bandes etc. Le film donne alors à voir l’émergence d’une compréhension empathique réciproque, fragile avec ses reculs et avancées, mais traçant quelques perspectives de pardons. Ainsi, un auteur s’insurge, avec toute la fougue d’un grand adolescent, contre les violences à l’égard d’une dame âgée. De même, une victime réfléchit sur les nuances apportées par un détenu entre simples gifles et vrais coups subis dans son enfance. Enfin, le groupe écoute avec grande empathie, les envies suicidaires d’un détenu subissant une lourde peine, suspendant son suicide programmé le jour même d’une unique visite bienveillante totalement imprévue.

Demande de pardon et renoncements

A côté de ces issues positives, pouvant craindre une approche un peu idéalisée de la justice restaurative, est raconté le parcours d’une jeune femme ayant subi dans son enfance des violences sexuelles de son frère aîné. Elle souhaite le rencontrer pour mettre en place des dispositifs d’évitement (ne jamais le croiser dans sa ville), mais surtout pour obtenir des explications et une demande de pardon. Le traumatisme est très profond, mettant la jeune femme en danger permanent de basculement psychologique.

La rencontre, se fera, en dépit des craintes des effets négatifs exprimés par les médiateurs, mettant tout en œuvre pour sécuriser le cadre. Finalement, elle n’obtiendra pas d’explication, juste une confirmation du bout des lèvres des violences subies, et toujours pas de demande de pardon. Le résultat est donc mitigé, mais avec le bénéfice toutefois d’avoir approfondi le récit de son histoire, d’y avoir certainement puisé davantage de résilience, et l’acceptation douloureuse de ce à quoi elle doit renoncer. Chemin d’humanité là aussi…

Sonia Deveaud, médiatrice familiale

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