La médiation autour des personnes vulnérables

Les conditions de vie et les décisions concernant la vie des personnes vulnérables peuvent être sources de tensions et de conflits, au sein des familles, ou entre les familles et les structures de prise en charge. Comment la médiation intervient-elle alors ?

La famille est un système complexe. La perte d’autonomie de l’un de ses membres, due à l’âge, à une maladie ou un accident, a généralement des incidences sur tout ou partie des relations familiales. Elle rend nécessaires des décisions relatives à ses conditions de vie et à sa protection. La personne vulnérable (voir l’encadré ci-dessous) est parfois dans l’incapacité de se prononcer elle-même. Ses proches doivent s’entendre pour prendre des mesures adaptées. Comment assurer un confort de vie ? Peut-il/elle rester chez lui/elle ? Une aide à domicile est-elle nécessaire ? Faut-il envisager un placement en établissement de soins ou dans un Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ? Des soins ou activités complémentaires doivent-ils être prévus ? Comment se répartir les tâches au sein de la famille, et les coûts de la prise en charge ?

Qu’est-ce qu’une personne vulnérable ?
Une personne vulnérable peut être définie comme une personne qui par son âge, son état physique ou psychologique, sa situation sociale ou économique est en position de faiblesse nécessitant une protection spécifique. La vulnérabilité est définie précisément en droit pénal mais trouve à s’appliquer dans de nombreuses branches du droit, notamment en droit des personnes (1).

La vulnérabilité, une source de tensions

Des choix délicats, voire douloureux, s’imposent. Or chacun des proches peut avoir une vision particulière d’une ou plusieurs de ces questions. Les décisions à prendre sont chargées en émotions, liées à la difficulté pour chacun d’accepter le vieillissement, la perte d’autonomie, la vulnérabilité de la personne, ou aux peurs et angoisses issues de ses propres projections. Les membres de la famille peuvent aussi avoir des besoins et des intérêts différents vis-à-vis de la situation qu’ils vivent.

Des discordances a priori mineures peuvent ainsi se transformer en conflit familial qui retarde les décisions, ce qui peut aiguiser davantage le conflit. La personne vulnérable se retrouve alors au cœur des différends. Se greffe à la souffrance engendrée par la perte d’autonomie celle de voir les siens se déchirer.

Un exemple de « conflit de vulnérabilité »
Le conflit intrafamilial peut par exemple être lié à la vie en institution de la personne vulnérable. Un enfant pense que son père est victime de négligences ou de maltraitance et veut un changement d’Ehpad, tandis que sa sœur souhaite poursuivre ce placement, qui a l’avantage d’être proche de chez elle. La mésentente sur le diagnostic peut vite dégénérer si le dialogue est malaisé.

Restaurer le dialogue, accompagner les décisions

Dans un tel contexte conflictuel, le médiateur, à l’écoute des besoins et des émotions respectives des membres de la famille, accompagne la restauration de la communication et les prises de décision. Concrètement, la médiation se met le plus souvent en place à la demande d’un membre de la famille, bien souvent l’aidant principal, qui subit le plus intensément les conséquences du conflit, parfois l’aidé lui-même voire l’institution. Le demandeur convie les autres proches à s’engager dans la médiation, ou laisse au médiateur le soin de la leur proposer. La médiation peut aussi être sollicitée par un juge (le juge des contentieux de la protection par exemple). Les personnes de la famille ont alors l’obligation de tenter une médiation. Si elle n’aboutit pas, ce sera au juge de trancher les différends.

Les conflits avec les institutions

Bien entendu, la situation d’une personne vulnérable peut aussi faire l’objet d’un conflit entre la famille, ou l’un de ses membres, et l’établissement où elle est prise en charge, que ce soit un établissement de soins, une institution pour handicapés, un Ehpad, ou une structure ou service d’aide à domicile. Un désaccord sur la prise en charge, la suspicion de négligences peut donner lieu à une médiation, si l’une des parties la demande, plutôt que d’être traité par la justice. En revanche, il sera difficile pour un médiateur ou une médiatrice d’intervenir si la famille suspecte de la maltraitance. Ce cas relève directement de l’article L 331-8-1 du code de l’action sociale et des familles, qui oblige les établissements à signaler tout dysfonctionnement grave aux autorités de tutelle. Il peut faire l’objet d’une plainte.

D’autres procédures de traitement des désaccords sont possibles, telles que le recours à l’une des « personnes qualifiées » désignée par le département de résidence en application de la loi du 2 janvier 2002, la saisie du Conseil de Vie Sociale (CVS), instance d’échanges et de consultation interne aux établissements, ou la médiation de consommation, axée sur les litiges administratifs ou financiers. Par rapport à ces procédures, l’espace de médiation a l’avantage de donner aux personnes placées et à leurs familles la possibilité d’exprimer de façon approfondie leurs besoins et attentes dans un espace neutre et confidentiel et de construire ensemble une issue réaliste et durable.

Les tensions ou conflits qui peuvent également survenir entre salariés ou prestataires d’un établissement ont indirectement des répercussions sur les personnes vulnérables. Le dispositif de médiation a encore une fois toute sa place pour apaiser la relation, et la personne vulnérable en bénéficiera.

Alexandra Bohuon, Odile Boucher, Armelle Vallet-Jeanneret,
médiatrices à la Maison de la Médiation

(1) François-Xavier Roux-Demare, La notion de vulnérabilité, approche juridique d’un concept polymorphe, Les Cahiers de la Justice, 2019/4 n° 4.

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