Envoyé en médiation par un juge, un couple peut l’aborder comme une guerre de tranchées…
Visages fermés, sans se saluer, M. T. et Mme V. arrivent à la Maison de la Médiation, envoyés par le juge. Nous avons préparé la salle pour les accueillir, fauteuils confortables, éclairage apaisant. Nous sommes deux médiateurs pour privilégier objectivité et équité. Nous les informons sur la médiation, ce qu’elle pourrait leur apporter, nos engagements réciproques, dont celui de la confidentialité. Puis nous leur donnons la parole.
Le silence s’installe, lourd, pesant. Ils ne peuvent même pas se regarder. Et pourtant, 25 ans de vie commune, trois enfants, un si long chemin parcouru ensemble…
Quelques minutes s’écoulent jusqu’à ce que M. T. se mette à parler : « Je veux la guerre, je veux qu’elle paye le prix fort, je veux la voir à terre ! » C’est à nous que s’adresse M. T. Aussi est-ce à lui que nous répondons : « A terre ? C’est ainsi que vous voulez voir Madame ? »
Mme V. a les poings serrés, le visage contracté, barricadée. Un flot de paroles s’échappe alors de la bouche de Mr T. : « Trahison, mensonge, rêve brisé, sentiment d’avoir été trompé, impression d’avoir été jeté, de ne plus exister. »
Appels au secours
A ces mots, Mme V. réagit violemment : « Ne plus exister, c’est l’impression que, moi, j’ai eu ces dix dernières années, tu ne me parlais plus, ne me regardais plus, ne m’écoutais plus, j’étais si terriblement seule, je t’envoyais des appels au secours que tu ne voulais pas entendre. J’ai rencontré quelqu’un, c’est vrai, et je me suis sentie revivre, mais ce n’est pas ce que j’aurais souhaité ! » Mme V. pleure, ses poings se sont desserrés. M. T s’est tourné vers elle. Il a entendu…
De malentendus en explications, de revendications en demandes, Monsieur et Madame cheminent pendant cinq séances de médiation avec nous. Ils vont poser les armes, se séparer très douloureusement mais sans guerre. Ils vont envisager de vivre « autrement » leur rôle de parents, couple séparé mais parents ensemble pour le bien-être de leurs enfants et, sans doute, le leur…
La médiation ne les met pas à l’abri d’autres crises, mais peut-être sauront-ils désormais comment les traverser ?
Nathalie Lebeau, médiatrice familiale, diplômée d’Etat.