La médiation est un processus libre et confidentiel où tout peut être dit… ou presque.
Les personnes qui viennent en médiation se demandent parfois si elles pourront tout dire, y compris des choses qui leur paraissent inavouables. La crainte d’être jugées et d’avoir honte de ce que leurs paroles révèlent peut les amener à taire des pensées qu’elles savent pourtant cruciales.
Le regard positif inconditionnel
Or la médiation n’est pas un processus de jugement, mais d’accompagnement, conçu pour tout entendre. Les médiateurs sont formés à « accueillir » les ressentis des personnes quels qu’ils soient, à avoir un « regard positif inconditionnel ». Ce concept (unconditional positive regard) a été proposé en 1959 par Carl Rogers (1902-1987), un psychologue américain qui a beaucoup écrit sur l’écoute active « centrée sur la personne ».
Pour Rogers, le regard positif inconditionnel, ou acceptation inconditionnelle, est l’une des bases de la relation thérapeutique entre un(e) psychologue et son patient. Il s’agit d’une attitude bienveillante et réceptive envers ce dernier, quelles que soient les particularités qu’il exprime. L’objectif est de le faire progresser sur la voie de la guérison. L’absence de regard conditionnel lui fait prendre conscience qu’il est accepté pour ce qu’il est. La médiation a repris cette idée afin d’organiser un espace d’écoute « non jugeante », neutre et impartiale. C’est une clé de réussite de la médiation permettant que les médiés se sentent en confiance et apportent le plus d’éléments possible.
Propos interdits et pensées acceptées
La médiation n’est toutefois pas une thérapie, mais une façon de dénouer un conflit. Chaque personne peut être sur la défensive et réticente à se livrer si elle s’est sentie agressée par des propos ou des attitudes de l’autre. Quant au médiateur, il peut avoir été formé à l’écoute inconditionnelle et se hérisser néanmoins intérieurement ou explicitement face à des postures insultantes de l’une des personnes envers l’autre.
Les propos racistes, homophobes ou misogynes ne sont pas acceptables, y compris légalement dans le cadre privé et confidentiel de la médiation (1). En revanche, si des pensées de cet ordre sont à l’œuvre de façon souterraine dans le conflit, par exemple lorsqu’elles empêchent deux personnes d’être en relation, la médiation est conçue pour les intégrer dans le processus d’accompagnement, notamment par le biais des entretiens individuels.
En médiation, tout dire est donc possible, dans certaines limites légales. Le « tout dire » renvoie aussi aux « façons de dire », c’est-à-dire aux émotions qui sont à l’œuvre dans la médiation. Là aussi, le regard inconditionnel permet d’accepter, en principe, toutes les émotions et toutes les intensités émotionnelles. Nous y reviendrons.
Groupe Médiation du travail et du voisinage, Maison de la Médiation
Odile Boucher, Dominique Chapelon, Marion de Nervo, Florence Gay,
Jean-Jacques Perrier, Émilie Trampont, Armelle Vallet-Jeanneret
(1) Un propos devient une injure dès lors qu’il contient une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective. Selon l’article R625-8-1 du Code pénal, créé par un décret de 2017, « l’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. Est punie de la même peine l’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap. »
Pour en savoir plus
Carl Rogers, 1968, Le développement de la personne, InterEditions, dernière éd. janvier 2025, 296 p.
Carl Rogers, 2001, L’Approche centrée sur la personne. Anthologie de textes présentée par Howard Kirschenbaum et Valérie Land Henderson, Eds Ambre, dernière éd. 2013, 544 p.